Ce texte a été publié originellement dans le cahier spécial de RueFrontenac.com portant sur la nouvelle saison du Canadien de Montréal. Pour le bénéfice des lecteurs de ce blogue, je le reproduits intégralement ci-dessous.
À l’instar des Maple Leafs de Toronto (LNH), des Yankees de New York (baseball), des Redskins de Washington (NFL) et des Knicks de New York (NBA), le Canadien de Montréal est l’une des concessions de sport professionnel qui génèrent le plus de revenus en Amérique du Nord. Si plusieurs observateurs donnent tout le crédit au personnel de marketing, ce succès financier repose essentiellement sur le culte que les Québécois vouent à l’équipe, croient deux professeurs d’université interrogés par Rue Frontenac.
«Le Canadien, c’est une religion et un phénomène sociologique à la Madonna. Pour le peuple, cette équipe mythique est une institution aussi forte que le Parlement, illustre Luc Dupont, un spécialiste du marketing, de la publicité et des médias de l’Université d’Ottawa. Le hockey, ça dépasse le sport, c’est l’ADN des Québécois.»
Suivre les activités du Canadien, regarder les matchs à la télévision, acheter des billets pour aller au Centre Bell, être associé à l’équipe à titre de commanditaire, se procurer des produits dérivés et s’afficher ouvertement comme un partisan, c’est une façon de s’affirmer pour le peuple québécois, fait remarquer ce spécialiste qui est aussi auteur et conférencier.
«C’est encore plus vrai depuis le départ des Expos et des Nordiques. Parce que l’Impact (soccer) est un projet en devenir et que les Alouettes (football) évoluent dans une ligue secondaire, les gens n’ont plus que le Canadien à se mettre sous la dent, ajoute Luc Dupont. Toute l’attention est donc portée sur cette équipe qui jouit d’un engouement et d’une visibilité extraordinaires.»
Mise en garde
S’il convient que l’équipe bénéficie d’une relation émotionnelle très forte avec les Québécois qui lui permet «d’occuper toute la place», André Richelieu met en garde le Canadien contre un excès de confiance, le même mal qui ronge souvent une formation affrontant un adversaire censément plus faible.
Ce spécialiste du marketing du sport et de la gestion de la marque de l’Université Laval croit que le Tricolore doit s’attarder sur le «produit» s’il ne veut pas voir ses revenus fondre comme... une patinoire au soleil.
«Depuis la dernière conquête de la coupe Stanley en 1993 et encore plus depuis que George Gillett est devenu propriétaire du Canadien en 2001, on a l’impression que le rendement de l’équipe est un élément secondaire pour l’organisation.
«Durant cette période, le prix des billets a fait un bond prodigieux, le prix de la bière a atteint presque 10$, les cotes d’écoute ont explosé, les occasions de commandite ou de publicité se sont multipliées dans le Centre Bell et l’animation est y omniprésente, mais le Canadien n’a participé que sporadiquement aux séries éliminatoires», a rappelé André Richelieu.
«Avec l’année du centenaire, l’organisation a voulu se raccrocher aux époques glorieuses, croyant que cette seule pensée allait faire du Canadien une équipe gagnante. Mais force est de constater que la formation de la saison dernière était loin d’être l’héritière de ses ancêtres.»
S’identifier à des gagnants
Bien qu’il croie que le fil émotionnel entre l’équipe et les partisans puisse encore se casser, le professeur de marketing de l’Université Laval voit de bonnes raisons d’envisager l’avenir avec optimisme.
«Après une année du centenaire désastreuse sur le plan sportif, le gros coup de balai donné par Bob Gainey dans l’intersaison est un premier signe démontrant que l’organisation cherche à remettre le focus sur le produit. Les joueurs acquis cet été, s’ils répondent aux attentes placées en eux, devraient solidifier l’équipe.»
Doit-on blâmer l’organisation pour ne pas avoir embauché des joueurs francophones, comme plusieurs l’ont fait ces dernières semaines?
«Contrairement à la croyance populaire, l’attachement à une équipe n’est pas une question ethnique, précise André Richelieu. Le Russe Alex Kovalev est un bon exemple; il était aimé parce qu’il faisait rêver les partisans, qu’il leur donnait un espoir de victoire.
«Des joueurs locaux, ça donne une belle jambe, mais l’effet est diminué si cela ne se traduit pas par la victoire. Les gens préfèrent s’identifier à des gagnants, qu’importe leur origine. Je pense que le Canadien l’a bien compris cette année.
Saturation
D’un point de vue financier, Luc Dupont n’est pas du tout inquiet pour le Canadien. Il se demande toutefois comment il pourra générer de nouveaux revenus, alors que le prix des billets a atteint des sommets inégalés.
«Le Centre Bell a été conçu pour maximiser le nombre d’emplacements publicitaires. Cependant, le moindre espace est déjà utilisé. Grâce à la vidéo, le tableau indicateur est mis à contribution sans bon sens. Qu’est-ce qu’il peut bien rester à commanditer?»
Autre point à considérer: plus il y a d’annonces dans un espace restreint, moins la publicité est efficace. «On n’est pas loin du point de saturation.»
Néanmoins, Luc Dupont pense que le département demarketing du Canadien n’est pas à court d’idées. «Internet ouvre des possibilités qu’on n’aurait jamais imaginées il y a seulement quelques années. C’est peut-être là que se trouve la prochaine mine d’or.»
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